histoires...

 Après un long séjour en Inde, Fred arrive dans le Japon moderne et technologique...

Shizuoka, dimanche
Au Japon... On est au Japon... Ça fait déjà trois jours et je ne m'y suis pas encore fait. Pourtant, quand je regarde par la fenêtre de l'hôtel, je vois des boutiques tout ce qu'il y a de japonaises, avec des enseignes en japonais dans le texte, et, sur le pont là-bas au bout de la rue, je vois, tous les quarts d'heures, passer le Shinkansen, le train tout profilé blanc et bleu qui ramone à deux cents à l'heure. Evidemment, il ne passe pas à deux cents ici, vu qu'il s'arrête à Shizuoka. Disons que quand il n'est pas arrêté sa vitesse de croisière est de 200 à l'heure. Je relis ce que je vous ai écrit de Calcutta, je parlais d'un choc, c'est vrai qu'on a eu un choc.
Le premier: les prix!!! On est donc arrivé vers onze heures du soir à Tokyo, Petit Prince, Puce et moi. Vu qu'il n'était pas question de dédouaner Puce à cette heure-là, on s'est mis en quête d'un coin pour dormir. Seulement, l'aéroport de Narita est à soixante-dix bornes du centre de Tokyo! Habitués à l'Inde, pour cause, on s'est enquis du prix d'un taxi. Ça commençait bien: tarif minimum douze mille Yen, deux cent quarante Balles!!! Le bus direct, deux mille trois cents Yen, etc. En plus, il faut compter une heure et demie pour arriver au centre ville. Le plus sage paraissait de rester à Narita pour dédouaner Puce le lendemain matin. On est donc allé au bureau de tourisme, pour demander une place dans l'hôtel le moins cher de Narita. OK, nous a dit le réceptionniste, Narita Airport Guest House. Il s'est mis à remplir le bordereau de réservation, j'ai respiré, because dans beaucoup de pays, les &laqno;guest houses» sont des machins pas chers. On m'a tendu le bordereau &laqno;voilà, neuf mille Yen». J'ai fait gloups, 180 Balles pour l'hôtel le moins cher même à proximité d'un aéroport, ça commençait dur dur. Faut dire que la &laqno;guest house» n'était pas à proprement parler un nid à cafards. Salle de bains avec de l'eau chaude, (si!) et qui marche, télé en couleurs avec une douzaine de chaînes, et qui marche aussi, téléphone d'où l'on peut appeler en direct tout le Japon et l'international (0051), un grand pucier confortable à souhait, mais 180 Balles, soit trois-cent soixante Roupies indiennes, cinq cents Roupies népalaises, l'angoisse! Fini le tiers-monde, on entre dans un pays où les services sont chers.
Par contre on était fascinés par notre chambre: y'a plein de trucs qu'on tripote pour voir à quoi ça sert, tout a l'air neuf, tout est propre, et tout marche. C'est ça le plus fou, tant sur le continent indien on s'était habitué à ce que rien ne marche, jusqu'aux choses les plus simples: dans notre piaule de Kathmandu, par exemple, au delà des lumières, de la plomberie, de la robinetterie, du ventilateur qui sont des sources de pannes chroniques, ça allait jusqu'au porte-savon incorporé à notre lavabo fabriqué en Inde qui était incapable d'empêcher de glisser un morceau de savon quelque soit sa forme ou sa taille. Sur le sub-continent indien, quelque chose qui marche est une exception, une source de surprise. Lors Petit Prince et moi n'en finissons pas d'essayer des trucs et d'être surpris qu'ils marchent.
On n'en finit pas de tout regarder, surtout les machines: des machines pour tout: des machines à rouler, bagnoles de style américain, taxis jaunes et rouges, tous beaux et pleins de lumière, après les caisses indiennes, toutes semblables, ayant l'air toutes vieilles même quand elles sont neuves, choc! Cyclomoteurs utilitaires innombrables, souvent pilotés par des mecs costard cratouze attaché case, apparemment ici ce n'est pas une honte de circuler sur un 50cc; motos, bien sûr, mais moins nombreuses que je le pensais. Ce qui m'a scié le plus est le nombre de minis Yam, et de mini-motos en général. Version tout terrain, version route, version café-racer, on roule mini tant qu'on peut. Voilà des gens de goût!
Machines pour tout. Machines à boisson, coca, orange, citron, café froid ou chaud, thé, bière, saké, vitamines A, vitamines B, vitamine C, sortez vos pièces de cent Yen, cloquez-les, et ça descend dans un grand bruit d'avalanche. Machines à clopes, machines à jouets, machines à capotes, machines à dire la bonne aventure, machines à sous &laqno;Space Invader», le jeu qui fait fureur au Japon, machines à journaux, machines, machines, machines. On n'en finissait pas de les dénombrer et de voir ce qui en sortait, plats froids, soupe chaude, journal du soir ou raton laveur. Tant qu'on y était, on aurait vu une machine pour vendre des motos qu'on n'aurait pas été plus étonnés que ça. Il a fallu bouffer. Vu l'heure, on n'avait guère d'autre choix que le restau de l'hôtel, on s'est de nouveau heurté aux prix. Dix sept Balles le plat de spaghetti, même avec la sauce bolognaise, ça donnait à réfléchir. On a mis longtemps à composer un menu qui ne nous laisse pas sur la paille. Pour sûr, ça va être dur, c'est à un pays riche qu'on s'attaque, finie de se fiche de prendre le plat le plus cher parce que de toutes façons ça n'est pas cher pour nous. Fini de rigoler avec le tiers monde, parce que le tiers monde, ici, c'est nous...

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